G2. Le gardien de la clé
-Et puis je vais prendre un bain à bulles. Tu me laisseras faire, pour une fois ?
Si ça peut te faire plaisir… soupir. Enfin, après le bain à bulles Hamon est tout de même prêt
-Chééérie, me voilà !
Mais Raquel n’est pas seule
-ROBIN ! Qu’est ce que tu fais encore dans notre chambre ? Je t’ai déjà dit que ton lit, c’était là-haut !
-Oui, je sais, mais j’ai peur là-haut, je préfèrerais dormir avec maman.
-Tu as peur ? Qu’est ce que tu me chantes, là ? T’es pas tout seul, là-haut, il y a Quentin.
-Oui, justement, c’est lui qui me fait peur. Il arrête pas de me raconter des histoires de fantômes et de méchants extra-terrestres qui enlèvent les gens. Alors, je peux rester ? Dis papa, je peux rester ?
Vous avez vu comme il sait y faire, le petit Krétin ? Vous avez vu cet air angélique et ce regard suppliant ? Hamon va-t-il céder ?
Hé-non !
-Il n’en est pas question ! Tu n’es plus un bébé, Robin, tu diras à Quentin que s’il continue à te raconter n’importe quoi, je lui confisque son télescope.
Robin se résigne à quitter le lit en regrettant le temps des couches et des biberons. Mais c’est trop tard, Raquel, épuisée par sa journée de travail a plongé dans le sommeil. Pour le crac-crac, tu repasseras mon Krétin. Ca t’apprendra à prendre des bains à bulles interminables.
Le lendemain…
-J’y arriverai… un jour ! J’y arriverai !
Robin, c’est le genre tenace. Quand il a quelque chose dans le crâne… Vous verrez qu’il y arrivera, à se faire cuire des brioches non cramées.
En attendant, il se venge comme il peut en maltraitant son nounours.
-Tu t’es moqué de moi, méchant nounours. Tu-t’es-mo-qué-de-moi ! reprend-il en scandant bien les syllabes ponctuées de grands coups sur les fesses du nounours. Qui entre-nous soit-dit, ne s’est jamais moqué de personne. Mais quand on est mécontent de soi, il faut bien trouver un bouc émissaire, pas vrai ?
CHUUUT ! Taisez-vous un peu, j’aimerais entendre ce que raconte Quentin au téléphone. Depuis que Raquel m’a mis la puce à l’oreille, je n’en dors plus.
-Oui… au café rétro ? Bon, j’irai te chercher… mais-non, je vais demander la voiture à mon père… Alors, c’est d’accord ?… Oui, moi aussi, je t’aime, à ce soir.
Ah, on va enfin voir la tête qu’elle a cette zabelle. Moi, j’ai le souvenir d’une enfant pourrie-gâtée. Je sens que la journée va être longue.
En rentrant de l’école, Quentin s’empresse d’aller faire ses devoirs sur son bureau.
Nan, ça ne lui a pas passé, la sale manie ! Et le pire…
Le pire, c’est qu’il déteindrait presque sur Robin. Bon, lui, il ne va pas jusqu’à s’installer à son bureau mais quand même… il monte son cahier dans la chambre. Je sens que mon Krétin va en faire une jaunisse.
Heureusement… heureusement, il lui reste les bains à bulles pour reconnaître ses gênes.
Enfin, Quentin a pu demander à son père la permission d’emprunter la voiture. Mais, Hamon n’est pas d’accord.
-Non, pas question ! Ce soir, on fête l’anniversaire de ta sœur.
-Rho, elle peut bien grandir sans moi, -J’ai dit non, c’est non ! N’insiste pas, répète-t-il en se servant un café.
Ne cherchez pas de qui Robin tient sa tête de mule. On en sera quittes pour attendre un jour de plus.
Il était bon le café Hamon Krétin ?
-Excellllent ! Un vrai velours
. Et tu vas où, là comme ça ?
-Je vais poser ma tasse.
Il va poser sa tasse !
Où il va poser sa tasse, ce Krétin ?
Ah-ben, oui, tiens, je n’y aurais pas pensé.
Il a parcouru toute la maison en portant sa tasse comme un ostensoir pour aller la déposer sur l’enrouleur de câbles dans le jardin. Bon, je sens qu’il va falloir que je leur offre des tables d’appoint.
Mes Krétins ont définitivement gagnés leurs galons de parents. L’assistante sociale n’a rien trouvé à redire au fait que leur nourrisson ait eu les fesses sales et l’estomac dilaté. Et donc, ce soir là, sonnez trompettes en papier, on fêtait l’anniversaire d’Heïdi.
Didi, comme ils n’allaient pas tarder à la surnommer, passa le cap sans dégât apparent. Ce n’était pas un miracle, mais tout de même, elle a bien grandi. Le seul point noir, ce fut le costume dont elle se retrouva affublée.
Physiquement, c’était le portrait craché de son père, restait à savoir si elle se montrerait une bonne petite Krétine dans la tradition familiale. Pas comme Quentin qui avait honteusement trahi son clan.
Le félon remet le couvert
-Papa, tu me prêtes la voiture ?
Et mon Krétin, décidément contrariant
-Nan, pas ce soir. Ça attendra demain.
-Rho, papa !
-J’ai dit nan ! Va te coucher, il faut être en forme pour l’école. Ca ne vaut rien du tout aux lycéens de sortir le soir.
Quentin décida intérieurement qu’il allait chercher un travail pour prendre son indépendance.
Avant de pouvoir s’offrir la voiture d’occase dont il rêve, Quentin est tout de même obligé de se soumettre aux décisions paternelles. Têtu comme tous les Krétins, il rappelle à son père sa promesse dès le petit-déjeuner.
-Papa, tu avais dit qu’ aujourd’hui tu me prêterais la voiture.
-Et pour quoi faire, d’abord, tu voudrais la voiture ?
Dis-donc, mon Krétin, c’est pas bientôt fini de jouer les gardiens de la clé ? Tu as été jeune, toi aussi, comme te le rappelle Quentin, tu aurais aimé que ton père te serre la vis comme ça ? Tu vas lui prêter la voiture. C’est pas parce que tu n’as pas pu draguer la mère, que Quentin ne peut pas tenter sa chance avec la fille.